1831. La Bourine, en un combat audacieux
1831 est à marquer d’une pierre blanche. En protestant contre des manœuvres qui, selon eux, visaient à "porter le désordre dans leurs contrées et occasionner quelque accident fâcheux", les syndics des quartiers frondeurs d'Auriol (13) avaient dénoncé avec force une forme de "persécution". Ils prièrent le préfet des Bouches-du-Rhône de donner des ordres pour faire cesser ces agissements intolérables (Archives des 9 janvier et 22 février 2024). En cette fin d’année 1831, la vivacité des échanges épistolaires donne une idée de la discorde régnante.
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Bouilladisse, un des quartiers réunis pour demander au Gouvernement la formation d’une nouvelle commune séparée d’Auriol (CPA in "Le canton de Roquevaire" - Francis PELLISSIER).
La réponse préfectorale
La longue lettre des syndics au préfet (Archive du 3 janvier 2025) appelle une réponse. Elle ne tarde pas. La riposte, en date du 27 juin 1831, frappe par son ton tranchant et sa concision : "Messieurs, vous m’annoncez que diverses tentatives ont été faites auprès des habitants de vos quartiers pour les engager à se désister de leur demande en érection d’une commune séparée d’Auriol et vous me priez de donner des ordres pour faire cesser ces tentatives. Les habitants des quartiers que vous représentez doivent apprécier leurs véritables intérêts. Ils sont entièrement libres de persister dans leur première demande ou d’y renoncer. Aucune démarche, aucune influence ne doivent gêner en rien l’expression de leurs vœux et je n’ai point d’ordre à donner pour faire cesser des demandes qui n’auront aucun résultat si vos commettants sont bien résolus à persister dans leur réclamation.
Le 18 de ce mois je vous ai informés que je venais de rappeler à Monsieur le Maire d’Auriol l’examen de votre demande. J’aurai soin de tenir la main à ce qu’il ne perde pas de vue cette invitation. J’ai l’honneur…". (Cette mise au point constitue un véritable parti pris. Elle nous ramène dans le droit fil d’évènements déjà évoqués : le conseil municipal d’Auriol dénonçant, le 3 juillet, "une intrigue d’une commune voisine", des instigateurs parvenant " à volcaniser les têtes de quelques hommes simples et crédules", habitants des hameaux des Boyers, La Bourine, Bouilladisse et autres).
C’est maintenant au Maire d’Auriol !
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La Mairie d’Auriol
(CPA in "Le canton de Roquevaire" - Francis PELLISSIER)
Le 4 juillet, François RABIER, maire d’Auriol, transmet enfin les pièces demandées. Il y joint une lettre, adressée au préfet en personne. Cet envoi rappelle, par le ton et la forme, la dénonciation adressée à ce même préfet par les syndics des hameaux rebelles : " Monsieur le Préfet, (…) Je saisirai cette occasion pour vous signaler les manœuvres employées par Monsieur RICHELME, maire de Roquevaire, pour pousser les habitants de ces divers quartiers à la résolution qu’ils ont prise et dont il est le principal moteur. Qu’il ne dise pas que c’est en sa qualité de notaire qu’avec le sieur GUILLACHE, commis en sa mairie, il est venu parcourir ces hameaux. Je pourrais vous donner, Monsieur le Préfet, des preuves convaincantes du contraire. N'est-il pas bien sûr de ses droits sur le canton, malgré deux délibérations qui, dit-il, les lui confirment ?
Il y paraitrait, d’après les démarches qu’il ne cesse de faire dans ces quartiers (et d’une manière assez basse pour un homme qui se respecterait un peu) depuis que nous avons fait notre demande tendant à réparation de la longue injustice qui pèse sur nous. Il espère par là en nous ôtant le titre de Ville, nous ravir un de nos droits, il ne nous enlèverait peut-être que le moindre de tous". (Nota : Cette "longue injustice", c’est évidemment la "possession" du canton de Roquevaire que Roquevairois et Auriolais se disputent depuis 1801. On notera aussi que, jusqu’à preuve du contraire, Monsieur le préfet ne s’offusque pas de cette dénonciation bien particulière. Entre David et Goliath, il a, semble-t-il, choisi son camp).
Réponses à tout
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Les syndics.
Les échanges épistolaires se poursuivent, toujours aussi vifs.
- Le 22 juillet 1831, les syndics : "Monsieur le Préfet, ayant appris que le conseil municipal d’Auriol a pris une délibération en réponse à la pétition que nous vous avons présentée au nom de nos concitoyens et que cette délibération a dû vous être transmise depuis quelques jours, nous venons vous prier de vouloir bien nous communiquer cette réponse afin que nous puissions connaître les objections que l’on élève contre nos justes réclamations. Vous nous obligerez infiniment…"
- Le 22 juillet 1831, réponse du préfet : "… Vous pourrez envoyer l’un de vous à la Préfecture, Bureau des archives, pour y prendre communication, sans déplacement, de la délibération prise par le conseil municipal d’Auriol…"
- 12 septembre 1831 : "Les syndics des habitants, etc. vous ont présenté une pétition tendant à obtenir etc. Ils ont vainement attendu jusqu’à ce jour le résultat de cette démarche ; ils ont dû espérer de votre justice qu’il serait fait droit à leur demande.
Persuadés que le long retard qu’ils éprouvent ne doit être attribué qu’à la multiplicité d’affaires graves qui occupent tous vos instants, et qui ont dû inévitablement vous faire perdre de vue un objet aussi minime, les exposants se permettent, Monsieur le Préfet, de rappeler leur demande à votre souvenir, en vous priant de vouloir bien en ordonner la prompte expédition. Quelle que soit la décision qui interviendra, les exposants l’accueilleront avec soumission et respect. Mais la justice de leur réclamation leur donne la conviction intime que sous votre administration paternelle ils ne peuvent qu’obtenir ce qu’ils désirent. Ils ont l’honneur, etc."
- 15septembre 1831, réponse du préfet : "Par votre lettre du 12 de ce mois, vous avez etc. J’ai l’honneur de vous faire observer que lorsque plusieurs d’entre vous prirent communication dans mes bureaux de la délibération du conseil municipal d’Auriol relativement à votre demande, ils avaient l’intention de répondre par écrit aux moyens avancés dans cette délibération. J’attendais cette réponse et j’avais suspendu toute démarche ultérieure à cet égard.
Puisqu’il paraît que vous avez renoncé à produire cette réponse, je vais nommer un commissaire enquêteur chargé de faire une enquête de commodo et incommodo sur l’objet de votre demande pour, d’après son rapport, donner la suite nécessaire à l’instruction de cette affaire. Veuillez etc."
Par-delà ces échanges grinçants, tout aurait pu se résumer en quelques mots : Les représentants des habitants assurant :" On a raison et on ne lâche pas le morceau !", Monsieur le Préfet des Bouches-du-Rhône répondant :"Non, Mais !"
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De pertinentes observations
1832 verra la situation évoluer plutôt favorablement. Le Conseil d’arrondissement de Marseille (1) aura à se prononcer sur les conclusions de l’enquête administrative lancée par le préfet. Les habitants du secteur publieront alors leurs observations dans un livret de 8 pages adressé à Messieurs les membres du Conseil Général des Bouches-du-Rhône.
Qui auront à se prononcer…
Note : 1 Le département des Bouches-du-Rhône comptait 3 arrondissements (Marseille, Aix et Arles) aujourd’hui 4, avec l’arrondissement d’Istres.
Article MG (c) HPHM. Avril 2025.