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Histoire et Patrimoine Huveaune Merlançon Histoire et patrimoine des vallées de l'Huveaune et du Merlançon

La vie au village ou la dialectique des rues

Passarès, quèli, bordillo, pissadou, poussièou, cantoun, banco, visque, déven... Voici quelques exemples de la dialectique des rues étroites et tortueuses, miroir de la vie au village, expliqués par notre éminent passeur d'histoire(s) auriolais Marcel GUIGOU. N'hésitez pas à nous faire part de vos exemples en commentaire(s). Nous les publierons.
 
La perte des passarès.
 
Auriol, la rue Fleury
autrefois dite traverse de Miquely
avec, au dernier plan, la rue Augustine Dupuy
 
Au cœur des grandes villes provençales, dans un dédale de rues étroites et tortueuses, le passarès était une pratique obligée, avant l'installation du tout-à-l'égout et en l'absence de jardins, même petits, d'écuries ou encore de bauges à cochons. « Passo-rès ?», (Il ne passe rien ? Y'a personne dessous ?), c'était la question posée en criant par l'habitant avant de verser dans le vide, par la fenêtre, les eaux sales et autres déjections – y compris les quèli (seaux hygiéniques), pissadou (pots de chambre), bordillo (déchets ménagers) –, en visant au jugé l'endroit destiné à cet effet.
 
Voilà pourquoi il est plutôt surprenant de découvrir la réclamation déposée à ce sujet sur le bureau de l'assemblée municipale auriolaise le 11 décembre 1740 : "Le sieur consul a dit qu'il vient de lui être signifié, de la part des sieurs VELLIN frères, un acte de sommation, laquelle [sommation] expose que la maison de feu Guilheaume LAGET, vivant cardeur à laine dans l'enceinte de ce lieu et à la traverse dite de MIQUELY, ne saurait [être] en pire état et menace une ruine évidente, dont la chute. Et avec elle, une partie de la leur [de maison] et celle des voisins. Cela causerait infailliblement la perte des passarès et qu'il est du devoir des consuls de la faire abattre" (Registre BB14 f°225). Il s'agit donc d'un droit acquit et reconnu. A Auriol (13), cette pratique n'est pas commune. L'Huveaune, disponible – et, à toutes fins, utile –, est très proche ; les maisons ont presque toutes une écurie, souvent une remise ou une loge à cochon qui peuvent rendre ce service.
 

A moins que les passarès dont il est fait état soit l'endroit où on avait le droit de jeter, d'en haut, seulement les ordures ménagères et rien d'autre. Après tout, on peut croire aux contes de fées... On notera que l'expression passarès est d'origine languedocienne. En Provence on aurait dit : passo rèn ? ou encore passo degun ?
 



L'impasse des cesses

Ci-contre à Auriol, la rue Talarue
(ex impasse des cesses)
Photo prise depuis la rue Augustine Dupuy
 
Voici un nom que vous n'avez sans doute jamais entendu. A Auriol, uno cesso désignait, en provençal, un poussièou, une loge à cochon. L'extrait du document cadastral de 1830 montre les loges à cochons qui occupaient l'espace longeant cette impasse. Leur nombre justifie le nom. Un nom d'autant plus significatif qu'être propriétaire ou simplement rentier (locataire) d'une loge à cochon était une aubaine à même de nourrir une famille pendant une bonne partie de l'année. On le sait : "tout est bon dans le cochon" ! On pourrait même dire qu'avoir un poussièou, autrefois, était presque aussi important qu'un garage dans le village, de nos jours. Aujourd'hui, elle a pour nom rue Talarue.
 
La rue des quatre coins
Ci-contre
La rue des quatre coins
donne sur la rue Paroisse
 
La rue des quatre coins donne sur la rue Paroisse. En 1765, réparation "du grand chemin, de l'ancien hôtel de ville à l'endroit dit "les quatre cantons" (du provençal cantoun, coin) ; le milieu sera engravé à dos d'âne, de chaque côté il sera fait une assise de pierre froide de deux pans de largeur pour les roues des charrettes" (DD145).
 
 
La Banque
 
Ce lieu-dit situé au cœur du hameau de Moulin de Redon a toutes les raisons d'étonner. Il faut savoir que, il y a peu de temps encore, l'amateur de cartes postales anciennes retrouvait les caractéristiques d'une pièce rare et sa valeur dans les catalogues de cotation (type Argus Fildier). Et que celle représentée y figurait dans la rubrique « établissements bancaires ». Or, nous savons pertinemment qu'il n'y a jamais eu de banque à Moulin de Redon.
Mais plus sûrement que, en 1779, un Louis Cazalic dit La Banque y vivait (DD75). Le sobriquet de ce Louis provenait peut-être de son caractère boute-en-train (mettre la banco, c'était mettre l'ambiance) ou encore de sa position sociale (dans leur chapelle, chaque banc des pénitents Blancs ou des Bourras s'appelait uno banco, sa banque dont il parlait sans cesse). Seuls ses contemporains auraient pu dévoiler la clé du mystère. Il y avait à la même époque un autre Louis Cazalic dit La Visque (la glu) pour ne pas les confondre (AC. Liasse 1G22).
Ci-dessus, le lieu-dit La Banque
au cœur du hameau de Moulin de Redon

Liberté Egalité Fraternité

 
Il en est des inscriptions comme du reste : on aimerait bien en connaître le pourquoi et le comment. Celle qui orne le fronton de l'église paroissiale d'Auriol en étonne plus d'un : "République Française – Liberté, Egalité, Fraternité" sur un édifice dédié au culte, ce n'est vraiment pas banal. Alors, depuis quand cette inscription ? Depuis la séparation de l'Eglise et de l'Etat, en 1905 ? Pas du tout. C'est en 1880 qu'elle voit le jour, en plein Ordre moral. Sous la République triomphante, la vie municipale est particulièrement agitée. Dans nos régions, le point d'achoppement est la question religieuse. Le 26 septembre 1880, une nouvelle majorité apparaît. Elle élit un nouveau maire, Amédée Baux, et sera renversée quatre mois plus tard. C'est à elle que nous devons la devise de la République sur le bâtiment communal qu'est l'église. Elle y est restée depuis.
Le fronton de l'église paroissiale porte la devise de la République.

Le Serre et le Deven
 
A la sortie de la bretelle d'Auriol de l'A52, sur votre droite vous apercevez le quartier du Serre. En provençal, un Serro, c'est une crête, un massif isolé et de forme allongée : exactement la description de cette colline. 
La colline du Déven (prononcé Devein ou Dévein) surplombe le pôle culturel de Saint-Claude. Son nom rappelle la présence d'un bois seigneurial ou communal, un défens (déven en provençal), dont la fréquentation et l'usage étaient réglementés voire parfois défendus.
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Art et ill. MG (c) HPHM 07/2023.
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